In memoriam Kōichirō Uno … et Mishima réincarné
Kōichirō Uno, né en 1934 nous a quitté cette année en août. Il avait fait ses études en littérature japonaise à l’Université de Tokyo, allant jusqu’à la préparation d’un doctorat mais quittant comme beaucoup l’université en 1968 sans le soutenir.
Il faut dire qu’il avait déjà reçu en 1961 le prix Akutagawa pour Kujira-gami (le dieu baleine) et qu’au début de 1968, il avait déjà publié une dizaine de romans.
Généralement classé comme auteur de livres érotiques, il a eu également une activité comme auteur de romans policiers sous le nom de Akira Sagashima, publiant en particulier Odoriko satsujin jiken (Le cas de l’assassinat de la danseuse), le titre faisant écho pour tous les lecteurs au livre de Kawabata se passant à Izu.

Odoriko satsujin jiken (Le cas de l’assassinat de la danseuse) (1970)
1970 est également l’année où Yukio Mishima, né en 1925, organise sa sortie de scène. Un Mishima qui comme Kōichirō était passé par l’université de Tokyo et avait commencé à publier pendant ses études.
On ne saura jamais vraiment pourquoi Kōichirō a choisi d’aller vers l’érotisme dès son second livre Kanzen naru onna (la femme accomplie). Faut-il y voir l’insouciance d’un étudiant moins tourmenté par son orientation sexuelle que pouvait l’être Mishima ?

Kanzen naru onna (la femme accomplie)
Ce qui est sûr, par contre, c’est que ce choix allait s’avérer des plus fructueux, financièrement, en particulier lorsqu’il devint le scénariste majeur de la série roman de la Nikkatsu. Mentionnons Izu no odoriko (La Danseuse d’Izu), pastiche sans regret du livre de Kawabata.

Izu no odoriko (La Danseuse d’Izu) (version Nikkatsu …)
Mais si Kōichirō a tenté de se défaire de Kawabata par la transposition pornographique, il est resté au stade du commentaire en ce qui concerne Mishima. On trouve en effet sa signature dans le numéro spécial que la revue Shinchō consacre à Yukio en janvier 1971.

Shinchō, janvier 1971
Il y écrit sur 官能美の勝利 (kannōbi no shōri, le triomphe de la beauté charnelle)

C’est le moment maintenant de jeter un oeil sur le dernier livre, en 2021, de Kōichirō. Une anthologie chez Shinchō de certaines de ses meilleures nouvelles Himegimi wo kuu hanashi (L’histoire de la princesse qui fut dévorée) et de noter qu’à la fin, alors que Kòichirō avait 87 ans, il se sent obligé de revenir au terme de sa propre vie sur le chapitre final de celle de Yukio. Un souci qu’avait aussi eu finalement Ryōtarō Shiba malgré son opposition initiale au geste de Mishima.

Faut-il y trouver la raison du titre de ce court essai de 2021, Mishima Yukio et le Shinsen-gumi, titre qui semble faire référence aussi à Ryōtarō, écrivain du Shinsen-gumi s’il en est…

Kōichirō y raconte qu’en fait, qu’à part pour se faire seppuku, Mishima était bien trop mauvais au sabre pour être la réincarnation de Hijikata ou de Kondō, mais également de Kiyokawa Hachirō.
Pourquoi donc, dans sa somptueuse résidence de 1200 m2 du côté de Kanazawa Hakkei, Kōichirō en voulait-il encore à Mishima ? Pour sa façon de quitter le monde ? Seuls les tanukis de son (vaste) jardin pourront nous le dire.

